Archives quotidiennes : 22 juin 2023

« L’Île rouge » de Robin Campillo…

    Après le célèbre et primé « 120 Battements par minute« , Robin Campillo s’attaque à tout à fait autre chose, il nous propose une chronique sur les derniers temps de la colonisation à Madagascar, l’île rouge. C’est un film d’atmosphère et je comprends que les gens qui n’ont pas du tout connu cette situation puissent s’ennuyer ou se désintéresser de la chose. Pourtant, la très grande qualité du film est d’avoir pu cerner une ambiance, une atmosphère, comme dit précédemment et, de ce point de vue, le film est remarquable, entre fiction et probable expérience autobiographique…

   Le héros est le petit garçon, qui vit entre sa mère, son père et ses deux frères sur une base aérienne française de Madagascar, dans les derniers temps de la colonisation, peu avant le départ des troupes françaises. D’ailleurs, indépendance ou pas, la situation n’a guère changé dans les milieux de la coopération française, qu’elle soit militaire ou civile. Les hommes travaillent, ici sur la base militaire, les femmes s’ennuient entre leurs enfants et les fêtes entre colons dont on sent bien qu’elles pourraient facilement déraper. Et la vie s’écoule, entre rancœurs et jalousies, avec des personnages masculins machos, ‘virils’ et, évidemment, racistes à l’égard d’un peuple autochtone qu’ils ne connaissent que comme boys ou fatouhs.

   Le petit garçon, lui, est un observateur lucide de la situation, très proche de sa mère, mais attiré en même temps par la magie de l’île, qui le fait rêver et le fait plonger dans l’imaginaire. Le film, petit à petit, devient de plus en plus politique, mettant l’accent sur le ressentiment antifrançais des Malgaches, qui fait d’ailleurs écho aux situations actuelles, au Mali, ou au Burkina Faso par exemple. La chronique est particulièrement bien vue et l’on sent que le réalisateur a connu cette époque, qu’il l’a incontestablement vécue. Le film réussit à lier admirablement les deux grands thèmes que sont l’enfance du gamin et la fin de la colonisation française à Madagascar, insistant bien, à tous les niveaux, sur le conflit, impossible à éviter, de deux civilisations, de deux cultures, l’une dominatrice et l’autre dominée.

   Du point de vue technique, la réalisation est parfaitement maîtrisée et toujours au service du propos. C’est le cas aussi pour l’esthétique du film, ainsi que pour la direction d’acteurs. Au total, « L’Île rouge » est un film ambitieux et, au bout du compte, parfaitement réussi!