Archives mensuelles : août 2023

«Anatomie d’une chute» de Justine Triet…

Hop, hop, hop, attention! Palme d’or à Cannes, Achtung, Achtung! Certains redoutables nanars, encensés par la critique, comme de bien entendu, ayant été primés à Cannes ces dernières années -on ne donnera pas de noms par charité!-, vous avouerez qu’il y a de quoi se méfier et qu’on va voir ce film avec quelque appréhension, d’autant que j’avais été loin d’être convaincu par les précédents films de Justine Triet, «Victoria» et «Sybil» -et c’est un euphémisme!-.

Eh bien, là, même si je n’ai pas vu les autres films en compétition à Cannes, voilà une Palme d’or réjouissante et, pour tout dire, absolument géniale! Le film est complétement abouti et d’une grande richesse: il s’agit d’un thriller haletant, d’un film de procès qui n’a rien à envier aux meilleurs films américains du genre et, en plus -et surtout- d’un magnifique portrait de femme!

Alors, suicide ou assassinat? Pendant tout le film on se posera la question. Le mari du personnage principal s’est-il suicidé en tombant de la fenêtre du chalet de montagne ou sa femme l’a-t-elle poussé? Le suspense est absolument garanti, surtout grâce au montage du film et rien ne permet de répondre clairement à la question.

D’ailleurs, pendant le procès, rien ne permettra de se faire une opinion, parce que les différents protagonistes sont extrêmement brillants, autant l’avocat général, magistralement interprété par Antoine Reinartz que l’avocat, interprété tout aussi magistralement par Swan Arlaud. C’est là que l’on se rend compte que les dialogues sont formidablement écrits. En outre, les rebondissements, qui apparaissent comme complètement logiques après coup, sont imprévisibles et maintiennent une très grande tension. De ce pont de vue, le procès, qui occupe une large partie du film, est une parfaite réussite, grâce à la façon de filmer de Julie Triet, grâce aux mouvements de caméra et aux différents angles de prises de vue. Ajoutons à cela l’interprétation époustouflante de Sandra Hüller, qui campe un personnage étonnant!

Car le principal intérêt du film, c’est bien ce personnage féminin, qui, au travers du thriller et du film de procès, apparaît progressivement sous nos yeux ébahis. Elle n’est pas féministe -du moins ce n’est pas en ces termes qu’elle se décrit-, mais elle se comporte comme un être humain, ni homme ni femme; elle ne se pose pas la question. Il se trouve que c’est une femme, mais elle agit en toute liberté, en toute indépendance, en toute responsabilité. Non seulement elle assume ses actes, mais elle les revendique. Elle ne cherche pas à s’innocenter, elle décrit calmement la réalité et elle est très à l’aise, quand l’avocat général cherche à la mettre en difficulté en rappelant des éléments de sa vie antérieure. On a vraiment là un magnifique portrait de femme, forte par nature, qui ne se revendique pas comme femme, mais comme être humain. Autre intérêt du film, ce n’est pas seulement l’anatomie d’une chute, mais c’est aussi l’anatomie d’un couple, qui se déchire, qui se délite; en ce sens le titre est parfaitement signifiant. C’est également pour cela que l’enfant, le jeune garçon, est aussi important dans ce contexte et l’interprétation du jeune acteur, Milo Machado Graner, est tout simplement phénoménale!

Au total, «Anatomie d’une chute» est un film d’une très grande force et d’une très grande tension. D’ailleurs le film est long (2 H 30), mais on ne voit pas le temps passer, tellement on est accroché! Nul doute que ce film trouvera sa place auprès de publics très divers…


Balade un peu différente cette fois… C’est toujours l’association 3MOTSDEPLUS qui organise, mais, cette fois, elle s’intéresse à une écrivaine briochine qui, pour la plupart des participants, est une inconnue et n’évoque tout simplement qu’un nom de rue. D ‘ailleurs c’est à l’entrée de cette rue Zénaïde Fleuriot, dans le quartier Saint-Michel, l’un des plus vieux et des plus huppés de Saint-Brieuc, que le rendez-vous est donné. Cette fois, même si Michel Guyomard est présent, ce n’est pas lui qui guide la balade, mais Daniel Carfantan, auteur de « Zénaïde Fleuriot, une romancière bretonne du XIXème siècle » (Ed. Henry des Abbayes, 2018).

Grâce à Daniel Carfantan, on va apprendre énormément de choses sur l’écrivaine , née à Saint-Brieuc en 1829. Elle connaît, à son époque, un très grand succès. Ecrivaine catholique, elle veille, en 83 romans, à la foi et aux mœurs des jeunes filles de bonnes familles.

Le groupe frôle les 40 personnes. Sous la conduite de Daniel Carfantan, on descend vers la ville plus bas; on passe devant la maison de Zénaîde Fleuriot et on rejoint les vieux quartiers de Saint-Brieuc, jusqu’à la Place au Lin. Eh bien, moi qui croyais parfaitement connaître Saint-Brieuc! Je n’avais jamais été à pied dans ces quartiers.

Ensuite on rejoint le parking Poulain Corbion. Grâce au covoiturage, tout le monde trouve une place dans les voitures et, de là, on se rend au Château-Bily, occupé par les Allemands pendant la dernière guerre et détruit dans des circonstances un peu troubles. C’est là que Zénaïde Fleuriot était la préceptrice de deux jeunes filles des propriétaires. Du château lui-même il ne reste quasiment rien, mais le lieu donne à Daniel Carfantan l’occasion de faire quelques derniers commentaires sur l’écrivaine briochine. A la mort de la Comtesse de Ségur, c’est elle qui prit sa suite chez Hachette dans le registre d’une littérature pieuse et bien pensante,

Au total, une belle découverte !


Cette année 2023 à Saint-Brieuc, on célèbre le 150ème anniversaire de la naissance d’Alfred Jarry, qui, né à Laval en 1873, a vécu à Saint-Brieuc de 1879 à 1886. Tout au long de cette année 2023 sont organisées de multiples festivités, entre autres des balades proposées par l’association 3MOTSDEPLUS, compagnie d’art littéraire.

Nous avons manqué, le mardi 8 août, la balade Jarry des villes. Par contre, nous avons participé, sous la conduite de Michel Guyomard, coordinateur de l’association, à la balade Jarry des champs.

Partis du Théâtre du Totem dans la vallée du Gouët, nous avons arpenté les chemins entre Saint-Brieuc et la commune de l’autre côté du Gouët, Plérin, pour finir au Légué, le port de Saint-Brieuc.

Michel Guyomard a ménagé des arrêts et, à chaque pose, nous a lu -et même interprété- des passages de l’oeuvre de Jarry, où l’on retrouve les lieux que l’auteur fréquentait régulièrement quand il habitait Saint-Brieuc.

En fait, la balade a duré deux bonnes heures et demie, balade absolument passionnante, qui nous a fait comprendre combien le séjour de Jarry à Saint-Brieuc a été fondamental dans la création de son œuvre!


   « Yannick » de Quentin Dupieux…

   Quentin Dupieux a de nombreux fans auxquels j’appartiens  depuis toujours. J’apprécie énormément sa créativité, loin des biopics des scénaristes fatigués et sans inspiration. Bon, il faut le dire tout de suite, « Yannick » est un excellent millésime dans la filmographie du réalisateur, pour l’idée de départ, évidemment, pour l’interprétation magistrale des comédiens et, enfin, pour sa vision critique d’un certain théâtre et des comportements humains.

   L’idée de départ, comme toujours chez Quentin Dupieux, est originale, et c’est un euphémisme! Mais où va-t-il chercher tout cela? Cette fois, nous sommes au théâtre, où des comédiens, pas très bons, essaient de faire passer une pièce de boulevard, pas vraiment la meilleure dans ce genre théâtral. A un moment donné, un spectateur, exaspéré par la médiocrité du spectacle, se lève et interrompt le spectacle pour donner son avis, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent, d’autant que l’individu est armé. On va suivre avec une rare jouissance ce huis-clos à la fois désopilant et tragique, mais surtout rigolard…

   Pour ce faire, Quentin Dupieux fait appel à des acteurs qu’il a l’habitude, pour la plupart, de diriger, Blanche Gardin, Pio Marmaï et Sébastien Chassagne, le moins connu des trois, tous, évidemment et sans surprise, excellents! En fait la grosse surprise vient de l’étonnant Raphaël Quenard, qui tient le premier rôle et qui réalise une performance époustouflante. Petit à petit, en y regardant de plus près, on se dit qu’on a déjà vu cet acteur, souvent dans de petits rôles déjantés, mais, là, c’est bien la première fois qu’on le laisse en liberté dans un premier rôle. Il est éblouissant et donne totalement sa tonalité au film en faisant une création étonnante et même détonante! Ces quatre personnages, avec quelques figurants, jouent -ils ont dû s’amuser comme des fous!- dans un film en abîme, théâtre dans le théâtre. Evidemment le film n’est pas très long, puisque tourné en temps réel.

   Non seulement le film est une réflexion sur une certaine forme de théâtre – on est subjugués de voir de grands acteurs s’amuser à mal jouer, ce qui n’est pas si simple!-, mais encore, dans le jeu avec le public -non de la salle de cinéma, mais bien dans le théâtre à l’intérieur du film-, le réalisateur s’amuse à nous montrer les comportements humains dans une situation anormale et, pour tout dire, dangereuse. Chacun des personnages est fortement caractérisé au travers de dialogues inventifs et très drôles, dans une situation tragique qui peut, à chaque instant, déraper.

   On prend donc un très grand plaisir, un plaisir jubilatoire, à suivre cette histoire, dont on se doute bien qu’elle va très mal finir, mais tout cela ne reste que du théâtre et, ne l’oublions pas, du cinéma!